Preparation du grand raid de la Reunion
Tout comme le marathonien qui doit faire un semi marathon dans la dernière partie de son entrainement, un trailer se doit aussi de tester son allure de course sur une épreuve plus courte mais aux mêmes caractéristiques, si c’est possible, histoire d’être sûr d’avoir bien mené son entrainement et de pouvoir prétendre s’aligner avec des chances correctes de réussite sur l’objectif ciblé quelques semaines plus tard.
Pour ma part, l’objectif étant de participer à la diagonale des fous 2023, j’ai opté pour une des épreuves du Grand raid des Pyrénées, « le tour des Lacs » soit approximativement la moitié de la distance de la diagonale et la moitié du dénivelé : 81km pour 5100m D+/D-
Alors , certes, sur le grand raid des Pyrénées , il est assez compliqué de retrouver les mêmes conditions que sur son cousin réunionnais, et cela même si les deux épreuves ont un partenariat ; mais je n’ai pas les moyens d’aller m’entrainer ailleurs. Et de toutes façons, difficile en Europe de retrouver les sentiers tortueux de Mafate ou Cilaos, ou la chaleur et l’humidité de cette ile de l’océan indien ; alors on fera avec…
Samedi 26 aout 5h du mat : finalement, j’aurais au moins trouvé l’humidité !!
Et oui, ça faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé, mais les dieux Pyrénéens ont choisi de nous concocter une belle météo pourrie avec 100% d’humidité. Et de la flotte pas tout à fait à la même température que sur l’ancienne ile Bourbon … Dans le SAS de départ, j’ai choisi l’option sac poubelle pour la période d’attente, soucieux d’économiser un peu ma veste de pluie. Les averses se succèdent déjà avant même le lâcher des fauves mais pour l’instant il fait plutôt chaud, un reste du dôme de chaleur de la fin aout. Quelques minutes avant le coup de feu j’enfile ma veste Raidlight et c’est parti pour une montée de 1600m vers le premier ravitaillement au Merlans. Pendant cette longue montée la pluie est de plus en plus régulière et évidemment arrivé au premier check tout le monde est déjà bien humide. Au restaurant du Merlans, privatisé pour l’occasion par le GRP, on s’entasse déjà pour se réchauffer. Dehors le tonnerre commence à se faire entendre et mon expérience de vieux grognard me laisse dire qu’il vaut mieux perdre du temps en s’habillant chaudement que de continuer en tenue légère. Dix minutes pour enfiler un pantalon de pluie, un maillot long et chaud, plus la veste de pluie par-dessus et en route vers le feu d’artifice ! Quand je sors je ne regrette pas mon choix car ça commence à péter de partout. Je suis d’ailleurs surpris que si peu de trailers aient fait le même choix que moi ; en effet la plupart ressortent en short court avec le même tee shirt… Je pense que beaucoup l’ont vite regretté. Effectivement au fil de la montée vers le col de Bastanet, l’orage redouble de violence. Les rafales de vent nous projettent sur le côté ou en avant. Je suis souvent obligé de m’arrêter et de m’accroupir pour ne pas être renversé. Désormais, il y a des coureurs qui essaient de se couvrir mais sans abri c’est quasiment impossible. Pour ma part, j’ai froid mais c’est supportable. Par contre je change de tactique de course, qui est en général de partir doucement, et j’accélère pour passer au plus vite les crêtes afin d’être moins sous le feu de la foudre. Les éclairs et le tonnerre s’enchainent très vite, ce qui veut dire qu’on est vraiment en plein dedans.
Dans la tourmente je n’ai guère l’occasion d’admirer les magnifiques paysages du massif du Néouvielle. Sur le bord d’un lac, à cause du vent , des vagues fracassent les rochers et je me crois un instant revenu sur un sentier côtier breton. Passé le col du Bastanet l’orage s’éloigne enfin et la descente vers la Mongie nous permet de remonter en température corporelle. Seul mon index a gelé, il me faudra plusieurs heures pour qu’il retrouve la sensibilité. A 11h j’arrive à la Mongie, ou m’attends mon assistance perso : Edith la spécialiste du suivi de coureur.com. Cela me permet de changer de tee shirt et de garder des affaires sèches dans mon sac en prévision des nouveaux orages prévus en fin d’après-midi. Elle recharge mes flasques en St yorre et c’est reparti en direction du Pic du midi de Bigorre. Malheureusement à ce moment-là, je rate l’information comme quoi ce pic emblématique des Pyrénées, avec son observatoire astronomique, sera évité pour cause de vent trop violent et que nous basculerons directement au col de Sencours. La montée au col sera mon moment difficile de la course. Je paie un rythme trop rapide sur la première partie et je dois gérer au mental ce passage à vide. Je sais que ça va passer, je prends mon mal en patience. Par moment, je rêve de bâtons car tout le monde en est équipé, sauf les quelques zigotos qui préparent la diag… Sur les pentes sévères qui mènent au pied du Pic du midi je suis constamment doublé alors que la montée est d’habitude mon point fort. Il me faudra deux heures pour rejoindre le col du Sencours, pendant lesquelles je prends le temps de bien m’hydrater. Arrivé au col j’apprends donc que nous ne monterons pas au Pic du midi soit 500m de dénivelé en moins. Dommage pour la vue mais plutôt une bonne nouvelle, compte tenu des conditions météo annoncées pour la soirée. J’engage par la même la deuxième partie de la course avec la ferme intention de ne pas trainer et d’essayer de battre de vitesse les orages du soir annoncés. J’ai récupéré de l’énergie et les jambes sont bonnes alors c’est parti pour une longue descente. Edith a le temps de me faire un petit coucou lorsque nous traversons la route du col du Tourmalet mais malheureusement elle va me rater au ravitaillement de Tournabout un peu plus loin. J’y avais prévu un changement de chaussettes et une bonne couche de nok. Toujours important dans un ultra de prendre soin des pneumatiques. Ma ravitailleuse a donc encore quelques réglages à faire pour être au top sur la diagonale !! ;-)
Décrire la partie jusqu’au dernier ravitaillement est assez facile : pas très rapide dans les montées car j’ai compris que sans bâton, il fallait gérer ; et de bonnes relances sur les faux plats et descentes. En fait depuis le début de l’année, paradoxalement, le fait de courir sans bâton m’a obligé à mieux descendre, à être plus fluide pour économiser mes quadriceps et j’ai nettement progressé dans ce domaine.
18h30, Ravitaillement du Merlans :un dernier test
Dernier ravitaillement, ça y est j’y suis et l’orage est juste derrière moi. Je sais qu’il me reste 14 km de descente et que je ne serai plus à découvert dans la descente. Je prends un peu de temps pour changer de chaussettes, m’étant enfoncé dans la boue jusqu’à mi- mollet dans un passage que les vaches avaient labouré profondément. Pour moi c’est l’heure du dernier test pour valider ma participation à la diagonale. Si je suis capable de relancer sur la fin de course, de descendre vite, de courir partout où c’est possible, alors oui, cela veut dire que je pourrais tenter de continuer sur quatre-vingts autres kilomètres lors du grand raid de la Réunion. Le cas contraire serait problématique et remettrait en cause mes chances de réussite. La descente est glissante mais j’ai de super sensations alors je file vers Vielle Aure sous la pluie avec efficacité. Dans les secteurs raides et boueux je passe tranquille alors que pas mal de coureurs sont sur le cul. Bon ça, c’est l’expérience des trails boueux d’ile de France. Quand t’as fait les Chataignes ou les Marcassins sous la pluie tu passes partout ! Je pousse musculairement pour voir où j’en suis et je franchis finalement la ligne d’arrivée sous une pluie battante en 15h38 et une 375ème place au scratch sur 1300 partants ( seulement 860 arrivants). 2ème sur 10 M5H et battu par un réunionnais ! Certains coureurs n’éviteront pas les orages en arrivant jusqu’à 4h du matin dans des conditions dantesques, mais cela fait aussi parti du jeu quand tu t’engages sur de telles épreuves. Ce sont de petites aventures à chaque fois…
Pour conclure, un test parfait pour moi, même si les conditions n’étaient pas très réunionnaises. Cela m’a permis de travailler le mental dans des conditions difficiles et de voir que l’entrainement a porté ses fruits. Reste à éviter la blessure, la chute, l’entorse de dernière minute. Sans compter le Covid… La route est encore longue jusqu’à La Redoute !